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Collab #1 Jésus Marie Josette

Pour sa première collaboration, le collectif à choisi de s'associer à Jésus Marie Josette.

 

Sous ce pseudonyme se cache Gabriel, un artiste plasticien très prometteur. Particulièrement intéressé par l'illustration et la sérigraphie, il explore les possibilités du dessin dans des œuvres portant un discours engagé. Afin de mieux connaitre sa démarche, on s'est dit qu'une interview était judicieuse.

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Grand écart l'a donc interviewé au mois de Juin, chez lui à Caen, autour d'un grand verre de jus de mangue.

Est-ce que tu peux te présenter ?

 

Je m'appelle Jésus Marie Josette, qui n'est pas mon vrai nom forcément mais que j'aime beaucoup. Je suis étudiant en 5e année aux Beaux-Arts en édition. Je suis féministe et j'ai un travail extrêmement engagé - plutôt en illustration - avec beaucoup de vulgarisation sur la trans-identité.

 

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Depuis quand as-tu ce nom ? Comment tu l'as choisi ?

 

Ça va faire à peu près un an, quand j'ai décidé de me créer une page Facebook et d'être présent sur internet.

Mon travail c'est ma passion, ma passion c'est mon travail. Séparer les deux c'est parfois compliqué surtout que je travaille sur ma vie. J'avais besoin d'avoir au moins symboliquement un nom différent entre ma vie et mon travail. Et donc j'ai choisi Jésus Marie Josette parce que ça me faisait beaucoup rire.

 

Nous aussi.

 

C'est un peu lié à une fascination sur la religion catholique. Ce qui est ce dans quoi j'ai été éduqué mais en même temps une sorte d'irrévérence. De modifier ça, d'en faire quelque chose de drôle. C'est exactement le point qui m'intéresse dans cette irrévérence.

Ce n'est pas du tout insultant pour les croyants à part peut-être Christine Boutin à qui ça ferait grincer des dents. Je sais que ma grand-mère et ma mère qui sont très catholiques ça les a fait beaucoup rire parce qu'il n'y a rien de vraiment insultant là-dedans.

Le fait d'avoir changer Joseph par Josette ça correspond aussi à mon intérêt de rendre les choses féministes.

Féminiser un personnage... Est-ce que c'est la même personne qui a changé de nom ? Est-ce que ça change son rôle ? On crée aussi une famille qui devient homoparentale. Tout ça m'a intéressé en plus d'être marrant.

 

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Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur ton parcours ?

 

Je suis né à Nancy en 1994. J'ai toujours adoré faire du dessin et ma mère m'a toujours soutenu dans les trucs créatifs. J'avais un petit peu tout ce qui se faisait dans les coffrets (la pyrogravure, la céramique, la peinture...). J'ai baigné dans ça.

Au lycée, j'ai été faire un bac arts appliqués et ensuite j'ai été aux Beaux-Arts à Épinal où j'ai étudié l'image et la narration. Après, je suis venu à Caen pour la mention édition qui a été la suite logique dans ce que je faisais déjà là-bas.

 

 

Ton champ artistique est donc l'illustration?

 

Je suis en train de plus en plus d'être plasticien. J'ai développé pas mal de broderies. Pendant longtemps ça faisait parti de mon principe d'illustration. Je commence à m'intéresser de plus en plus à l'objet, à pourquoi pas faire des choses en 3D... Mais ça c'est vraiment en train de se développer.

Oui, je ne sais pratiquement que dessiner, sous différentes formes mais c'est ce qui m'intéresse le plus. Je me suis vraiment focalisé sur ce médium pour être le meilleur en dessin possible.

 

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Quelles sont tes sources d'inspiration ?

 

Je suis quelqu'un d'extrêmement visuel. J'ai toujours besoin d'avoir un support visuel et d'être entouré d'images. J'aime des choses hétéroclites.

J'adore la peinture du Moyen-Age, religieuse avec énormément de dorures et de symbolique.

J'aime les perspectives qui sont complètement toutes pétées... avec des personnages extrêmement petits pour mettre en valeur le personnage principal qui va être gigantesque. Tous ces jeux de déformations... avec des visages qui ne ressemblent pas forcément à la réalité.

Et forcément j'adore Picasso qui est dans ça aussi et j'aime aussi les choses vraiment très engagées. Par exemple, mon tableau préféré de Picasso c'est Guernica même si ce n'est pas très original. C'est ce qui représente vraiment mes plus grands intérêts : d'être graphiquement visuel et extrêmement beau dans un sens tout en étant pertinent politiquement.

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Ce sont des références visuelles, est-ce qu'il y a des textes, des sons ou d'autres choses qui viennent t'inspirer ?

 

J'ai d'autres références à l'écrit ou dans les films mais rien qui ne me vient spontanément...

Après, c'est aussi beaucoup d'activisme, de personnes que j'apprécie énormément dans le cyber-militantisme. Tous les activistes qui sont sur Youtube ou sur Facebook...

Des gens comme Jacob Tobia ou Jeffrey Marsh qui sont des personnes non-binaires – qui ne sont ni-hommes ni-femmes – qui ont tous les deux bossé sur internet à faire connaître ça et à rendre ça quotidien.

Jeffrey Marsh par exemple iel a été beaucoup sur Vine, avec des vidéos de 7 secondes. Tous les jours, iel allait envoyer des messages très courts et ça rentrait dans le quotidien des gens. C'était très inspirant et ça à permis dans un sens de normaliser la non-binarité.

 

 

Plutôt des gens qui prennent la parole ?

 

Oui et qui m'ont motivé à faire de même. J'ai pu me rendre compte que parfois raconter des choses très personnel ça peut quand même être très pertinent.

 

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Comment ça se concrétise dans tes projets ou dans ta production générale ?

 

J'essaye que ça infuse un peu tout mon travail. Je parle de ma vie en tant que personne non-binaire dans notre société, de la recherche de la visibilité. J'essaye justement de rendre ça normal pour un public, d'être présent autre part que sur internet. C'est aussi pour ça que je fais énormément d'estampes. Les gens peuvent être attirés par une image et ensuite essayer de comprendre ce qu'elle veut dire.

Les mentalités changent beaucoup plus quand tu vois une image même 30 secondes tous les jours plutôt que de te taper un texte énorme une seule fois. Une image vaut parfois cent mots. L'un n'empêche pas l'autre mais une image est parfois extrêmement pertinente. Parfois, le fond d'une estampe c'est juste représenter une personne qui est invisible dans notre société.

 

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Ton travail en tant qu'artiste est donc de rendre visible, sensibiliser... dans quelle mesure est-ce que tu penses à la réception ?

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J'essaye, oui. J'ai un style assez particulier, qui ne plaît pas à tout le monde. En même temps, je crois que je préfère avoir peu de gens qui aiment ce que je fais mais qui aiment vraiment plutôt que de plaire à tout le monde.

C'est un peu ça aussi dans le fond. J'adorerais que tout le monde puisse être intéressé par ce que je fais mais en même temps il y a des gens j'aurais beau leur parler pendant mille ans et leur expliquer tout ce qu'il y a à savoir sur la trans-identité et pourquoi certaines choses sont discriminantes, dans tous les cas ils ne voudront pas l'entendre.

J'essaye d'attirer du monde, même des gens qui n'y connaissent rien, en ayant des formes, des choses extrêmement colorées. Je fais en sorte que ce soit attirant visuellement, que ce soit « beau » pour qu'ensuite ils puissent se questionner sur ce que veut dire le fond.

 

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​Comment as-tu envisagé cette COLLAB ?

 

Avoir carte blanche ça me faisait hyper envie de base... et je venais de retomber sur Stephen Ellcock. Il se nomme lui-même comme un curateur du net. En gros, il a une page Facebook où il poste des images hyper intéressantes.

J'étais tombé sur tout un album sur des peintures du Moyen-Age que je trouvais magnifiques. J'ai eu envie de m'en ré-inspirer pour en donner une forme plus contemporaine.

Mixer cette image du masculiniste qui revient pour faire chier les féministes alors qui ne sait même pas de quoi il parle j'ai trouvé ça assez drôle. Ça pouvait tout à fait coller à cette image de l'homme qui se prend vraiment pour le preux chevalier qui arrive sur son cheval blanc pour sauver l'humanité des vilaines féministes.

Cette image s'est beaucoup inspirée des formes de Saint-Michel pourfendant le dragon. Pour moi c'était réussir à montrer le ridicule de la situation. En même temps, j'adore ce qui est considéré comme un peu moche. J'adore les monstres et les personnages déformés. Donc représenter ce genre de personnages ça m'a intéressé. Au final, c'est détourner les choses puisque je le représente au second degré et c'est les féministes qui sont des monstres. J'ai trouvé ça extrêmement drôle de montrer à quel point c'est absurde comme façon de penser.

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La couleur ça fait partie de mon style, on peut montrer un décalage par rapport aux images du Moyen-Age. Il y a quand même beaucoup de couleur sur un fond métallique qui rappelle ces fonds doré directement tiré de ces images mais en même temps c'était aussi créer un décalage.

Ça le rend plus contemporain dans un sens et le dégradé c'est mes goûts personnels. J'adore ça visuellement et sur le fond c'est une sorte d'entre-eux, quelque chose qui n'est pas fixe et ça m'intéresse beaucoup.

La sérigraphie ça permet d'avoir de la couleur sortie en ton direct et en général j'en profite pour utiliser soit du métallique soit du fluo, et là dans ce cas les deux.

 

Spontanément j'avais plutôt envie de faire une estampe parce que c'est ce que je fais le plus et des formats assez grands. Ensuite, c'est Cassandre qui m'a proposé de pouvoir le faire sur du textile. C'était pas mon idée de base mais j'ai trouvé ça tout à fait intéressant de trouver une déclinaison. Je ne voulais pas abandonner l'estampe. L'image n'aurait pas pu fonctionner sur un t-shirt, donc dans tous les cas il fallait que je refasse une image. J'en ai profité pour faire une sorte de séquence où l'estampe est la première image et le t-shirt est la suite de cette première image. Je les ai aussi dessinées pour que chacune puisse être autonome.

 

 

Est-ce que la COLLAB t'as plu ?

 

On le refait à fond ! C'était vraiment hyper simple, mon travail. pour une fois j'avais pas à imprimer mes images. J'avais carte blanche et vous m'avez laissez faire ce que je voulais sur le support que je voulais donc forcément c'était fait pour bien se passer.

 

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Qu'est-ce que tu as en tête pour le futur ?

 

Là ça va être mon mémoire pour le diplôme. Je vais travailler sur l'invisibilisation des personnes trans dans notre société. Je me sert beaucoup de la culture pop pour en parler : beaucoup le cinéma, les séries, un peu les livres et les bandes-dessinées...

Je suis en train de réfléchir à des pièces pour mon diplôme mais c'est encore très flou pour l'instant.

 

 

Un mot doux à dire au monde ?

 

Le féminisme c'est cool.

 

 

Est-ce que tu sais faire le grand écart ?

 

Non, mais j'aimerais bien ! Par contre, je sais faire le pont.

 

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MERCI Jésus Marie Josette

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